AM Art Films
2020

Antek

Philippe Durand

« La Photographie...  Parce que chaque matin les sortilèges du vivant sont là qui ont la générosité de se laisser voir par qui le voudra bien... pour partager avec vous ce moment rare de l'instant où derrière l'objectif, le voile s'est entrouvert. » Antoine Tudal

A propos

Qui était Antoine Tudal ?

Né le 28 mars 1931 à Varsovie, petit-fils d’un amiral breton, il est décédé le 11 avril 2010 à l’âge de 79 ans à Lons-Le-Saunier. Il fut poète, dramaturge, photographe, comédien, scénariste.

Fils du peintre Jeannine Guillou, devenue la compagne de Nicolas de Staël alors qu’il est âgé de sept ans, son enfance et son adolescence se déroulent dans la compagnie des grands peintres et artistes du XXème siècle.
Á treize ans, il écrit un recueil de poèmes « Souspente » qui sera illustré par Georges Braque et préfacé par Pierre Reverdy – ouvrage réédité en 2019 aux éditions du Bruit du temps avec un texte original de sa sœur, Anne de Staël.

Quelques années plus tard, à la demande de Nicolas de Staël, il réalise une série de photos du peintre dans son atelier.
« Oscarisé » en 1962 pour le film « Les dimanches de Ville d’Avray », il va collaborer, entre autres, avec Orson Welles, Bertrand Blier et Jacques Prévert.

Remarqué chez Gallimard par Raymond Queneau, il y publiera son premier roman « Tempo ».

Dans les années 90, il se prend de passion pour l’univers du cirque qu’il photographie dans une approche esthétisante plutôt que documentaire.

Par ailleurs, ses recherches photographiques sur la paréidolie du vivant ont créé une vision poétique et complexe du monde, qui nous incite à faire émerger son œuvre auprès du grand public.

Et c’est cet artiste à l’œuvre protéiforme que nous souhaitons mettre en lumière pour le faire découvrir au plus grand nombre.

Fiche technique

 Format  Oeuvre vidéo, Super 8, couleur, 2020
Images Anaëlle Vanel et Philippe Durand
Montage Pauline Ghersi
Musique originale
Xavier Boussiron
Voix Viviane Montagnon
Durée 10:09

Chronique

" A partir de quel soleil vécu, enfant, au Maroc, né du rêve éblouissant de sa mère, Antek aura installé une chambre noire dans sa vie d’adulte ! De façon à ce qu’il soit le voleur de sa propre lumière en la retenant au fond d’un puits.

Le film de Philippe Durand, s’ouvre sur des plages de nuages qui bordent une mer d’air. Nous ne savons pas encore à quel point ce ciel attisera le feu de « l’inattrapable en corps et en esprit » (1).

Du haut de ce ciel se lève une suite de vues phénoménologiques qui saisissent le poète par la vérité. Vérité ici, faite de deux personnalités qui se rencontrent sans s’être jamais connues et produisent l’étincelle d’une justesse d’intuition de Philippe Durand, nous révélant le lieu secret où le poète a enfoui son soleil d’enfance et comment il l’aura consumé.

Des champs immenses apparaissent, toute lumière éteinte, dans cette ultime minute avant l’aube, ou le coucher du soleil. Des champs de fleurs de pissenlit sur lesquels, il s’agit de retenir son souffle de peur d’en voir fondre le flocon de neige.

L’allégorie d’un cheval dont le galop se prend à la course de la rivière et dans une formidable osmose devient un cheval d’eau.

Le hibou ici est le portrait du poète. Sa tête fait un tour entier sur elle-même pour ne permettre à l’arbre qui l’inscrit aucun angle mort.

La bûche en se consumant laisse apparaître un reptile aux écailles de cendre tirant une langue de braise.

Et puis vient nous surprendre la maison, couleur bistre, comme le sont les photos vieillies. Elle est le présent qui se fane  pendant que les vives couleurs de l’œuvre et des poèmes dits tout au long du film, appartiennent à ce qui s’est glissé hors du temps, on pourrait dire « hors d’eau ». "

(1) Jeannine Guillou

Anne de Staël

Anne de Staël est écrivain. Elle est la fille des artistes peintres Jeannine Guillou (1909-1946) et Nicolas de Staël (1914-1955). Elle est également la sœur d’Antoine Tudal dit « Antek ».



" Philippe Durand engagé très tôt dans une expérimentation filmique continue à la pratiquer en plan fixe dans le paysage des « marqueurs de basse intensité ». Avec Antek, Philippe Durand passe en compagnie d’Antoine Tudal et Xavier Boussiron par-dessus les barrières pour composer une sorte de chant de la terre qui tend à mettre en vibration l’hétérogénéité de l’univers. L’expérience est au cœur du récit,: Viviane Montagnon, véritable porte-voix des poèmes de Tudal, donne le ton pour que s’ouvre un parcours initiatique. Les plans s’enchaînent aux photos qui parfois poussent du bas vers le haut comme ce monolithe sculpté par Tudal à mi-chemin entre le brut et une pierre déjà transformée au paléolithique. Parfois des mots nous parviennent répétés, la grotte, le vide, tel le mantra d’un rituel où les modèles se métamorphosent surprenant celui qui l’utilise. Au creux de la matière se noue des formes, source, source répète la voix. Les dessins de Tudal se transforment en hallucinations mouvantes comme révélées par la transe. La composition s’enroule pour venir, suspens, pousser la porte de cet étrange espace-temps manipulé des artefacts « transformant » (encore la voix !) l’alchimie concrète du vivant. Concentré, concentré, répète encore le poème. Le spectateur est saisi par l’eau qui dérape comme sur un disque vinyle, le feu qui respire, vieil organisme hors d’âge. L’espace végétal coloré ionise l’ambiance, les roses blanches irradiées et la broderie passée des primevères et le temps peut-être laisse sortir la part des anges. "

Lise Guéhenneux

Lise Guéhenneux vit et travaille entre Paris et Marseille. Docteure en histoire des arts(s), critique d'art (AICA). Domaine de recherche l'entretien d'artiste contemporain. Dernières publications: Un atelier à soi - Jennifer Caubet, Cirva et edit. Empire Books, Paris, 2019 et Loin hop - Patrice Carré, Tombolo Presses, Nevers, 2020



" Le film ANTEK est construit autour d’Antoine Tudal (1931-2010), poète, scénariste, dramaturge, mais aussi -on le sait moins- photographe. Retour à Saint-Germain-du-Bois, en Bresse Bourguignonne, où l'artiste vivait dans les années 2000. Tudal passait beaucoup de temps à faire d’étranges photographies, dans le jardin, au bord de l’eau ou devant les flammes du poêle : c’est tout un monde qu’il a réinventé. Sensible à cette perception du réel, l’artiste Philippe Durand s’immisce dans le monde de Tudal. Les images captent les énergies du lieu, qu’elles soient végétales, liquides, gazeuses, minérales, humaines. Voir enfin ! Les plans fixes tournés en super8, permettent de ralentir le regard. Conçu comme un film muet, le compositeur Xavier Boussiron a créé une musique originale à partir des enregistrements des poèmes d’Antoine Tudal, lus par Viviane Montagnon, sa compagne. La musique acquiert son rythme propre, face aux séquences qui tentent de capter le génie du lieu, le rythme du vent, du feu, autour de la maison où il vivait. "

Philippe Durand

Philippe Durand est né en 1963. Plasticien, il vit à Paris.
Il est représenté par la galerie Laurent Godin.
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