AM Art Films
2019

Ce qu'il en reste

Raphaëlle Peria

Raphaëlle Peria parcourt la France et le monde en quête d’arbres et d’horizons à photographier.

A propos

Synopsis

Raphaëlle Peria parcourt la France et le monde en quête d’arbres et d’horizons à photographier. Utilisant les outils de la gravure (burin, gouge, fraise) elle incise, gratte, triture ses tirages pour échapper à l’image-souvenir et brouiller la réalité du paysage photographié. L’ascèse de ce travail minutieux, entre apaisement et évasion, produit des oeuvres post-photographiques qui révèlent sa mémoire sublimée.

L'artiste

Raphaëlle Peria est née en 1989 à Amiens. 
Artiste plasticienne, elle vit et travaille à Paris.

Elle est représentée par la galerie Papillon, Paris

Fiche technique

Réalisation
Brigitte Barbier
ImageBrigitte BarbierEtienne Semelet
Montage
Matthieu Lambourion
Musique originale
David Kpossou
Durée06:58
Sélections & Festivals
MIFAC 2019 Marché International du Film sur les Artistes Contemporains

Le Mans, France

Chronique

La vague et la main


La peinture, selon Picasso, ne doit pas imiter la nature mais travailler comme elle. En serait-il de même pour la photographie ? Pour le cinéma ?

Chez Raphaëlle Peria, l’instantané n’est que l’amorce de la création. Le ciseau, la rappe ou la roulette opèrent sur la pellicule photographique comme le scalpel sur la peau, pour produire la métamorphose. Sous le paysage, décapé, blanchi, une autre image surgit, comme celle que la mémoire retouche.

Le film de Brigitte Barbier n’est pas en reste. Il épouse le processus qu’il décrit et travaille à son tour comme l’artiste.

Du flou cohabite avec la netteté dans l’image et la mise au point joue à les inverser. Par le reflet qui la creuse ou le relief que produit son abrasion, la surface filmée est une profondeur qui s’explore. Les plans, comme les souvenirs, reviennent. Ils se reconstituent. Il faut d’abord la vague et la main pour voir enfin l’artiste au travail sur la plage.

La réalisatrice, à l’instar du peintre et du photographe, ne montre pas mais rend visible. L’horizon émerge comme une ligne que trace la voiture en mouvement, et l’arbre se devine au feuillage que la décélération rend moins flou. Encore ce dévoilement n’a-t-il lieu qu’en partie et l’artiste elle-même n’est jamais dévoilée. Elle n’apparait qu’à moitié, de profil, en amorce, ou trop loin pour qu’on en distingue les traits. Sa voix en convoque l’image mais jamais n’en provient.

En progressant ainsi, d’aperçus en rappels, le film n’explique pas l’œuvre, il en construit la compréhension. Les gestes induisent l’action, et leurs effets laissent entrevoir le résultat. Le film met notre mémoire au travail. Il la sonde, et les voix chuchotantes qui, soudain, flottent comme une armée d’ombres autour de la pellicule déroulée nous remettent "La Jetée" de Chris Marker à l’esprit.

Le film finit par offrir sa pellicule comme on donne son corps à la science et il est, à son tour, travaillé par l’artiste. Eraflée par la lame, marquée par les sillons, la dernière séquence s’anime, et les traits blancs progressent comme une algue prolifère, pour couvrir la falaise de liserons blancs.

Ce n’est plus l’œuvre qui donne un motif au film, mais c’est le film qui donne sa matière à l’œuvre : y a-t-il plus belle manière de servir son sujet ?


Sylvie Lopez-Jacob
Septembre 2020

Agrégée de philosophie, docteure en sémiologie du texte et de l’image, Sylvie Lopez-Jacob enseigne au lycée, et à l’Ecole nationale supérieure d’art de Bourges. Elle s’exerce depuis longtemps à faire fructifier la rencontre de l’art et de la philosophie. Dans ses conférences et dans ses articles, le cinéma reste un champ privilégié d’investigation. Elle a mené de nombreux projets pédagogiques centrés sur les questions d’esthétique en collaboration avec des peintres, dramaturges, écrivains dont Yves Michaud, Pierre Bergounioux, Claude Viallat, Claude Lévèque...
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