AM Art Films
Paris, 2022

Deadline

Samuel Lebon

Samuel Lebon, un écrivain en résidence au cœur d’une forêt : où se niche la création ? Qu’a-t-il donc en tête ?

A propos

Synopsis

Samuel Lebon, un écrivain en résidence au cœur d’une forêt : où se niche la création ? Qu’a-t-il donc en tête ? « Deadline » met en scène les cogitations et les errances de l’artiste, illustrations de la vanité et du temps qui passe, à la manière d’un conte fantastique et pictural.

L'artiste

Samuel Lebon est écrivain et photographe. Longtemps rédacteur pour la presse rock, il est l'auteur du récit photographique « Satan mène le bal » (2020, Filigranes Editions). Son roman « Ne pleure pas sur moi » paraîtra le 23 août 2023 (Editions Le Dilettante)

Fiche technique

Réalisation
Félix Lantieri
Images
Raul Fernandez et Thomas Cousin
Montage
Zohar Michel et Félix Lantieri
Durée05:49
Sélections & Festivals
Fotogenia 2023

Mexico, Mexique

On Art 2023 Film Festival

Varsovie, Pologne

Chronique

À la lisière


« J'ai un projet, devenir fou. »
Charles Bukowski

T’es une fine mouche si jamais tu piges c’est quoi le taf de Samuel Lebon en matant cette bobine. Mais peut être qui vaut mieux pas chercher à comprendre. Lâcher prise ou je sais pas quoi. Ou juste te laisser happer par les bruits et les visions. T’abandonner à ce qui résonne au loin comme un rythme, une pulsation. Quelque chose qui ressemble à la tonalité d’un appel auquel personne ne répondra. De toute façon, quelqu’un s’en est allé dans les bois. Se balader, se perdre, se foutre en l’air, ça tu le sauras pas. En tout cas, sur ce coup là, écrire, il y arrive pas. Le gars en question, tu te doutes bien que c’est l’artiste : il tient pas la grande forme. Quelque chose ne va pas vu que dès qu’il ouvre les lèvres, il a les dents pleine de points de suspension. Au pied d’un arbre voilà qu’il balbutie des phrases pas finies, toutes pleines de trous. Les mots fuient puis tombent dans les feuilles à ses pieds. Pas le temps de les reboucher ou de se les remettre en bouche que ça bourdonne de partout. C’est peut être les points qui se sont mis à voler ? Va savoir. En tout cas, ça fait comme un téléphone portable qui vibre très fort quelque part dans ta tête. Tellement que ça devient assourdissant. Pire qu’un cerf qui brame son amour une nuit de printemps. Mais là c’est pas dans un champ, c’est dans ton oreille. Faut la sortir la bête à cornes et vite. Mais t’as pas le temps ; tonalité à nouveau, arrière vide d’une Merco, retour à la vie sauvage. Samuel se débine, finit à poil avec slip et chaussettes en peau de bête. Tout autour ça grésille d’ondes électrique bien menaçantes. Des mouches aboulent, un essaim complet. Elles tournent autour de la tête à Samuel. A croire qu’elle est remplie de merde. Tu flippes, ça devient mystique. Samuel, c’est Belzebuth en calbute d’épiderme. Raide, bras ouverts, il jacte planté sur une estrade. On pige rien. Il reprend la plume. Sûrement pas une histoire qui finit bien.

Samuel a pété un câble, faut le savoir. Mais c’est y’a un bail, il est tranquille maintenant, serein. Puis ses démons, il les exorcise à sa façon. Soit c’est en tapant sur son clavier à s’en déboîter les phalanges, soit en choppant des bribes de vie déviante avec son objectif. Ces deux rituels païens, si il les unit dans ses travaux, jamais il ne célébrera leur noce. Il cultive le gouffre. Sa tentation, c’est l’abîme. Entre la fiction et le réel, le texte et la photo, écrire ou faire l’amour, surtout : pas choisir. Jamais. Sinon tu coules ou tu patauges. Trop glissant, trop profond. Les courants sont violents. Faut bien rester à la surface, non ? De toute façon quand t’as pied, là t’as pas pied. D’un côté t’étouffes, de l’autre tu te noies. Ou bien si c’est l’inverse ben, t’es pas plus avancé. De toute façon c’est pas ça l’idée, non. Puis d’ailleurs, c’est pas comme si il en fallait une, d’idée. Donc, oui ; la photo, la fiction.. Et bien faut rester traître à l’une, infidèle à l’autre, c’est tout. C’est plus dans l’attitude qu’autre chose hein ? Pas s’attacher de trop. Devenir un vrai salaud pour de faux. Se glisser une pierre à la place du coeur quitte à couler. Surtout pas devenir débandant affectif. Rester dur. Là, bien campé sur ses deux pieds. Tenir l’écart mais pas tant que ça. Juste à la lisière. Et puis quand faut y aller...


Thomas Bernard

Thomas Bernard est né à Libourne en 1980. Chroniqueur Art pour Fluide Glacial, il est aussi commissaire d'expositions pour la Véranda et co-directeur artistique pour Ferraille Productions du festival Formula Bula, bande dessinée et plus si affinités.
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